Assujettissement à la cotisation transport - Application de l’article L 2531-2 du Code des Collectiv
(Cass. 2ème Civ. Pourvoi H-11.28.363. Société C. c/ Urssaf arrêt n° 1570 F-P+B)
Le 27 octobre 2014 par Me Claude COHEN-MIZRAHI
Par cet arrêt de cassation du 9 octobre 2014, destiné à être publié, la Cour de Cassation rappelle que seul le critère fixé à l’article L 2531-2 du Code des Collectivités Territoriales, soit celui tiré de l’effectif de l’entreprise, doit être retenu pour décider s’il y a, ou non, franchissement du seuil de dix salariés conduisant à l’exonération et l’assujettissement progressif à la taxe transport.
Pour avoir retenu d’autres critères l’arrêt est infirmé dans toutes ses dispositions.
Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale avait pourtant très exactement appliqué la disposition précitée.
1.le principe d’assujettissement à la cotisation transport
1.1 Les articles L .2531-2 à L 2531-11 du Code des Collectivités Territoriales:
Les employeurs qui occupent plus de 9 salariés en région parisienne ou dans certaines communes de province, et qui sont tenus de payer des cotisations de sécurité sociale ou d’allocations familiales, sont assujettis à un versement dit « versement transport » destiné au financement des transports en commun et recouvré par les URSSAF.
Cette taxe est due par toute entreprise qui emploie plus de 9 salariés dans le périmètre considéré
Les sociétés de travail temporaire sises à Paris, ou en région parisienne, sont également assujetties si elles emploient plus de 9 salariés.
En cas de franchissement du seuil de 9 salariés la société nouvellement assujettie bénéficiera automatiquement de mesures légales spécifiques de dispense et d’assujettissement partiel dans les conditions fixées à l’article L 2333-64 alinéa 3 du même Code selon lequel :
« Les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de dix salariés sont dispensés pendant trois ans du paiement du versement. Le montant du versement est réduit de 75 p. 100, 50 p. 100 et 25 p. 100, respectivement chacune des trois années suivant la dernière année de dispense. Pour les employeurs qui sont dispensés du versement en 1996, la dispense de paiement s'applique jusqu'au 31 décembre 1999 ».
1.2 L’option pour un paiement mensuel ne permet pas d’en déduire l’assujettissement à la cotisation transport.
Les entreprises qui sont tenues de payer leurs cotisations mensuellement sont présumées employer plus de 9 salariés (CGCT art R 2531-9 et D 2333-91) ;
Cependant cette présomption ne joue pas pour les employeurs de 9 salariés au plus qui ont opté pour un paiement mensuel des cotisations de sécurité sociale (Lettre Circ. ACCOSS 30 nov. 1990).
2. La détermination de l’effectif de l’entreprise
2.1 Détermination de l’effectif selon les textes applicables
Pour déterminer l’assujettissement au versement transport d’une entreprise considérée il convient de prendre en considération l’ensemble de ses « salariés et assimilés » au sens de la législation de la Sécurité sociale (art. L 2333-65 alinéa 2 et L 2531-3 alinéa 2 CGCT).
▪ Selon l’article L-2333-65 le terme de « salarié » est entendu dans le sens retenu pour l’assujettissement obligatoire au régime général de la sécurité sociale et nous renvoie donc à :
▪ L’article L-311-2 du Code de la Sécurité Sociale qui dispose que :
«Sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général…toutes les personnes…travaillant à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat. »
▪ L’article L.311-3 (23°) du même code qui vise expressément les présidents de sociétés par actions simplifiées, lesquels sont obligatoirement affiliés au régime général de sécurité sociale, et, par voie de conséquence, comptés comme présents à l’effectif de l’entreprise.
2.2 Le Président d’une SAS est décompté dans l’effectif
▪ La circulaire de l'ACOSS n° 2005-087 du 6 juin 2005 précise
« (..) doivent notamment être pris en compte pour l'assujettissement au versement transport… les personnes affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général en vertu… de l'article L.311-3 du code de Sécurité Sociale et notamment certains dirigeants d'entreprises… ».
La jurisprudence a expressément précisé que les mandataires sociaux sont des salariés au sens des législations de sécurité sociale et doivent être pris en compte dans le calcul de l’effectif. (voir : pour un président directeur général de SA Cass. Soc. 19 oct. 1983 n°13-826, Urssaf de la Haute Garonne c. Sté Sodéfar ; Bull Civ V n° 513) ;
Selon la circulaire Acoss n° 2005-087 du 6 juin 2005 l’appréciation de l’assujettissement transport doit être réalisée « au mois le mois ».
3. la position de la société C.
La société C., qui a pour activité la prestation de travail temporaire, soutenait qu’ayant été constituée le 13 janvier 2003, et ayant commencé son activité en janvier 2003 avec une seule personne présente à l’effectif, son Président, elle devait bénéficier de l’assujettissement progressif au versement transport, le seuil ayant été franchi en avril 2003, date à laquelle la société employait plus de 10 salariés.
C’est en effet la détermination de l’effectif qui va permettre de fixer le régime applicable au regard des dispositions précitées.
La société C. justifiait également de son activité entre la date de sa constitution et le mois d’avril : signature de contrats, régularisation de la garantie financière, activité de prospection, achats divers…
4. La position de l'URSSAF
Afin d’écarter l’application du texte revendiqué, l’Urssaf soutenait notamment que les éléments produits par la société pour justifier de son activité antérieurement à avril 2003 étaient des « actes préparatoires » à l’exercice de son activité qu’elle ne pouvait d’ailleurs exercer, en tant que société de travail temporaire, tant qu’elle n’avait pas déclaré son activité (L.1251-45 du Code du Travail).
L’Urssaf soutenait donc que la société aurait eu, dès l’origine, plus de 10 salariés au motif qu’elle n’aurait débuté son activité commerciale qu’en avril 2003 date à laquelle elle déclarait plus de 10 salariés.
5. La décision du tribunal des affaires de la securité sociale du 27 mai 2010
Le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale (TASS) de Nanterre, qui fera droit à la demande de la société C, relève à juste titre que « les parties sont parfaitement d’accord sur l’application des règles de droit précitées mais qu’elles ne s’accordent pas sur la fait de savoir si l’effectif de la société était déjà de 10 salariés à la naissance de la société ou s’il est passé de un (le Président Directeur Général) à plus de dix salariés ».
Au terme de son analyse le TASS donne tort à l’Urssaf (et à la Commission de Recours Amiable) et au visa du procès-verbal d’Assemblée Générale des actionnaires du 13 mars 2003 et des bordereaux récapitulatifs des cotisations établis pour la période d’emploi d’avril 2003 ;
Constate, entre le 12 mars 2003 et le 1er avril 2003, un accroissement de l’effectif de la société dépassant celui de dix salariés ;
En déduit la dispense de cotisation transports pendant trois ans puis son versement selon le dispositif d’assujettissement progressif fixé par les textes.
6. L'arrêt de la cour d’appel de versailles du 27 octobre 2011
La Cour d’Appel fera pourtant sienne l’argumentation de l’Urssaf et retiendra la notion « d’actes préparatoires » pourtant étrangère à l’article L 2531-2 pour refuser l’application du dispositif d’assujettissement progressif au versement transport.
Selon la Cour de Versailles, la société C. ne justifiant pas ayant exercé son activité avant le 1er avril 2003, l’effectif salarié de la société ne pouvait être pris en compte qu’à compter du 1er avril 2003 pour déterminer s’il y avait lieu ou non à exonération du versement transport.
7. L’arrêt de la cour de cassation du 9 octobre 2014
C’est sur le moyen tiré de la violation de l’article L.2531-2 du Code des Collectivités Territoriales que l’arrêt est cassé.
La Cour de Cassation rappelle que « le bénéfice de l’exonération est subordonné à l’effectif de l’entreprise au sens de l’article L 1111-2 du Code du Travail ».
8. L’apport de l’arrêt du 9 octobre 2014
Il n’y a donc pas lieu de se fonder sur d’autres éléments tels que ceux retenus, à tort, par la Cour d’Appel à savoir la date à laquelle l’entreprise aurait commencé son activité commerciale ni davantage d’analyser, comme l’a fait la Cour d’Appel, à l’instar de l’Urssaf, la nature des actes accomplis par la société depuis sa constitution.
Le seul critère, selon le texte applicable est celui de l’appréciation de l’effectif de l’entreprise.
Pour avoir ajouté au texte des critères non visés par celui-ci, l’arrêt est cassé pour violation de la Loi.